Cet article a été rédigé grâce à la précieuse collaboration de notre ami Renato Gangemi. Avant de passer à la présentation des vins pré-phylloxéra sélectionnés par Renato, il importe d’expliquer ce qu’est le phylloxéra et pourquoi on en parle dans cet article.
Le phylloxéra est un insecte de la famille des phylloxériens, phytophage associé à l’espèce Vitis, qui s’attaque aux racines des vignes européennes. Originaire d’Amérique du Nord, il est apparu en Europe au milieu du XIXème siècle, détruisant une grande partie des vignobles dans toute l’Europe. Il est arrivé en Italie vers 1880. Le remède contre le phylloxéra n’était pas un traitement chimique sur la plante, mais sur le porte-greffe américain, c’est-à-dire de nouvelles plantes créées avec des racines de vigne américaine, sur lesquelles était ensuite greffée la vigne désirée ; tout ça parce que la vigne américaine est immunisée contre l’insecte.
Et sur l’Etna ? Comment le problème du phylloxéra s’est-il manifesté ? Comment expliquer que plusieurs vignes ont résisté à cette calomnie qui frappa l’Europe ?
En discutant avec certains agronomes de la région, ils confirment tous ce qui a pu se passer. Le phylloxéra ne parvient pas facilement aux racines des vignes de l’Etna, en raison des caractéristiques particulières du sol lavique. L’insecte tente de se frayer un chemin dans le sol volcanique en creusant des tunnels mais ceux-ci s’effondrent fréquemment. Un autre élément anti-phylloxéra est la neige ; les vignobles de l’Etna sont situés à des altitudes où il est souvent facile de neiger en hiver.
Par conséquent, il est établi que la majorité des vieux plants que l’on retrouve dans la région du volcan Etna, tant du Nerello Mascalese que du Carricante, sont pré-phylloxéra, ou du moins autoportants.
Voici donc six (6) vins pré-phylloxéra que Renato considère parmi les meilleurs qui sont produits dans la région de l’Etna.
Le premier à étiqueter pré-phylloxéra sur l’Etna fut Marco De Grazia, de Tenute delle Terre Nere, avec sa Vigna di Don Peppino, située dans la commune de Calderara Sottana, à environ 600 mètres d’altitude, dans la région de Randazzo. Il y a deux petites particules implantées avec Nerello Mascalese qui ont environ 140 ans. Ce n’est qu’en 2006 que Marco De Grazia décide de vinifier séparément les raisins de ce petit vignoble : le résultat est excellent. Élégant, doux et raffiné, un vin à la robe rubis aux reflets acajou. Le nez est complexe avec d’agréables notes de fleurs sauvages, de fruits rouges et d’épices, harmonieux et élégant, avec une finale longue et persistante.
Le deuxième vin dont nous parlons est le Vigna Vico pré-philloxéra de Tenute Bosco. Le vignoble est situé dans la commune de Passopisciaro, sur le territoire de Castiglione di Sicilia, et se trouve entre deux coulées de lave, formant un bel amphithéâtre naturel de terrasses. Nous sommes à 700 mètres d’altitude. Vigna Vico est le vin phare de Tenute Bosco ; sa couleur est rubis brillant aux reflets grenat, au nez minéral, épicé et balsamique, enrichi d’agréables notes de sous-bois, de cerises et de baies mûres. En bouche, il est riche, intense et frais, avec de jolis tanins et une longue finale.
Le troisième pré-philloxéra sélectionné est la Vigna Barbagali di Pietradolce. Le vignoble est situé dans la commune de Rampante, juste au-dessus de la commune de Passopisciaro. Ici, nous atteignons près de 1000 mètres d’altitude et les jeunes arbres ont atteint l’âge d’un siècle. Rouge rubis aux reflets grenat, le nez explose de notes de tabac et d’épices douces, ainsi que de fruits rouges et de cerises dans l’alcool. Velouté et élégant, tanins fins, excellente fraîcheur.
L’Altero de Theresa Eccher, le quatrième vin en revue, est né entre les villes de Passopisciaro et Solicchiata, entre 700 et 900 mètres d’altitude. Les vignes ici ont plus de 120 ans. Rouge rubis tendant vers le grenat, Altero possède un nez intense, avec des notes allant du tabac au balsamique, des petits fruits rouges à la griotte. En bouche, il est élégant, équilibré et frais ; bonne structure, longue, savoureuse et persistante.
Le cinquième vin est le Prefillossera de Palmento Costanzo, né du vignoble Contrada Santo Spirito, juste au-dessus de Passopisciaro. Arbres centenaires situés entre 700 et 800 mètres d’altitude. Couleur rouge rubis, au nez des notes de fruits rouges, de graphite, de poussière volcanique et d’agréables notes balsamiques. En bouche, il est enveloppant, aux tanins veloutés, long et avec une finale agréablement savoureuse.
Les cinq précédents vins sont tous cultivés sur le versant nord de l’Etna, tandis que notre sixième vin, cependant, est produit à partir d’un vignoble pré-philloxéra situé sur le versant oriental de l’Etna, dans la région de Trecastagni, exactement dans la région de Monte Gorna, et appelé MILLE OTTOCENTO QUARANTA, de l’Azienda Eudes de Giovanni Messina. Un hectare de vignoble, vieux de presque deux siècles, dans une position magique : à l’est la vue sur la mer, au nord l’Etna. Seules 1000 bouteilles sont produites. La robe est rubis aux reflets grenat, le nez exalte des notes épicées et balsamiques, de sous-bois et de fruits rouges mûrs. En bouche, il est élégant, corsé, frais et doté de jolis tanins enveloppants.
Enfin, il existe bien d’autres vins, que Renato aime particulièrement, qui ne portent pas expressément la mention pré-philloxéra mais sont certainement produits à partir de vignes non greffées. Parmi ceux-ci, Contrada R de Franchetti, Magma de Frank Cornelissen, Musmeci de Tenute di Fessina, Rovittello de Benanti, Profumo di Vulcano de Federico Graziani, Vinupetra de Salvo Foti, Milice de Cantine di Nessuno et Millemetri de Feudo Cavaliere.
Lisez l’article Vini dell’Etna : la nouvelle noblesse de la Sicile pour en savoir plus sur les vignobles précédemment cités.
En terminant, nous vous faisons part d’une anecdote pré-phylloxéra fascinante à raconter, qui s’est déroulée sur le vignoble Gurrida.
Sur cette ferme vinicole, les vignes ont été plantées au début du XIXe siècle, sur ordre du duc Nelson de Bronte, alors envoyé en Sicile par le roi Ferdinand IV de Bourbon. Les terres cultivables étant abondantes, le duc fit appel à un important vigneron français, qui apporta avec lui quelques boutures de Grenache (ou Alicante) et planta des centaines d’hectares, malheureusement toutes décimés par le phylloxéra hormis une petite particule qui a su résister : des vignes plantées au fond d’un lac saisonnier, justement appelé « Lago Gurrida ». Les vignes s’étaient habituées aux lieux puisqu’elles étaient immergées sous l’eau pendant plusieurs mois, se protégeant ainsi des attaques d’insectes.
D’autres article en collaboration avec Renato seront bientôt publiés !
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