HISTOIRE ET CULTURE

Terre convoitée et terre de contrastes

Depuis des millénaires, la position stratégique de la Sicile, ainsi que la fertilité de ses terres, lui ont valu d’être sans cesse convoitée par les grandes puissances en Méditerranée. L’aspect le plus étonnant de son histoire, c’est l’immense héritage laissé par tous les peuples qui l’ont colonisée, comme quoi « rien ne peut jamais se perdre ».

Aujourd’hui, la Sicile est une terre de contrastes d’une grande complexité. Chaque région a son histoire et son caractère. Toutefois, au cours du temps, elle a su se forger une identité.

Son histoire est donc celle de vagues successives de peuples étrangers. Avec les Grecs, la Sicile connaît sa première splendeur. Prenant fin avec la conquête de Syracuse par les Romains, l’âge d’or « grec » de la Sicile se transforme en une période de paix, certes, mais également de forte taxation par les Romains, qui feront de l’île le grenier à blé de l’Empire.

La Sicile connait ensuite des périodes arabe et normande florissantes sur le plan économique, artistique et social, mais l’île souffrira ensuite entre les mains de souverains plus avides, notamment les Espagnols, pour de nombreux siècles à venir.

Ce n’est qu’aujourd’hui, près d’un siècle et demi après l’unification italienne, que les effets de cette longue période d’errements sont en voie d’être surmontés.

Trinacria

La « Terre aux trois pointes » ou « Trinacria » est le nom donné à l’île de Sicile dans l’Antiquité. Cette époque riche en rebondissements voit naître l’identité multiculturelle de l’île.

Au VIIIe siècle av. J.-C., les cités de la Grèce sont surpeuplées et manquent cruellement de terres agricoles. Elles encouragent alors leurs citoyens à s’expatrier et à fonder des colonies dans un pays neuf. Quantité d’hommes se lancent dans l’aventure et mettent le cap sur la Sicile qui, semble-t-il, possède de sérieux atouts : des ports naturels, des sols fertiles et des débouchés commerciaux prometteurs.

Lorsque les Grecs débarquent en Sicile au VIIIe siècle av. J.-C., les Sicules qui sont présents sur l’est de l’île depuis 7000 av. J.C. sont rapidement assimilés, tandis que les Carthaginois (ancêtres de Tunisiens) présents sur l’ouest de l’île sont chassés à l’issu de la bataille d’Himère en 480 av. J.-C. Cette date marque le début de la suprématie grecque et l’apogée de la civilisation de la Grande-Grèce. Ce fut également une époque d’affrontements entre cités grecques rivales sur l’île, dirigées par des tyrans qui n’hésitent pas à raser des cités entières et à déporter leurs populations. Mais aussi à bâtir des temples ou des théâtres à leur démesure, et à accueillir à leur cour la fine fleur des penseurs Grecs, notamment Platon.

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La domination grecque prend fin en 212 av. J-C. avec la conquête romaine de Syracuse, mais son héritage perdure encore aujourd’hui.

Moyen Âge sicilien : l’apogée d’un royaume

Le Moyen Âge sicilien va durer quatre siècles. Ces derniers seront prospères, de haute culture et d’une ouverture intellectuelle et religieuse remarquable.

En l’an 902, débute la domination arabe avec la conquête des Sarrasins et ouvre une période de renaissance pour l’île, après la décadence des dernières années de l’occupation byzantine. Durant deux siècles, les Arabes vont apporter des changements radicaux dans l’agriculture locale, qui seront déterminants pour l’économie de l’île. Les immenses domaines du clergé sont redistribués aux paysans sous forme de petites et moyennes parcelles.

L’année 1061 marque ensuite le début des Croisades, et les Normands font la conquête de la Sicile 30 ans plus tard. Très habilement, les Normands instaurent des politiques qui encouragent la cohabitation pacifique de tous les Siciliens, qu’ils soient musulmans, grecs ou latins. Ce régime très original surprend les étrangers, d’autant que le royaume est prospère et devient très important sur l’échiquier méditerranéen. De cette présence insolite en Méditerranée naîtra également le style arabo-normand, où l’architecture romane côtoie l’or des mosaïques et les riches motifs arabesques.

La triste domination espagnole

Au XIVe siècle, les Espagnols s’emparent du pouvoir et inaugurent une période de soumission qui durera jusqu’au XIXe siècle.

L’île croûle alors sous le poids de l’oppression des vice-rois dont la mère patrie espagnole se soucie guère des agissements. L’Église abuse également du pouvoir dont elle dispose, brandissant l’inquisition à toutes les sauces, entrainant dans son sillon, emprisonnements, tortures et assassinats, réprimant par le fait même toute tentative de révolte.

Un des rares points positifs de cette triste période, est qu’elle donnera lieu à la création de chefs-d’œuvre du baroque sicilien, mais au prix de centaines de milliers de pertes de vies. En un peu plus de 25 ans, le paysage sicilien change drastiquement. La pire éruption volcanique de l’histoire de l’Etna (en 1669) et le terrible tremblement de terre suivi d’un tsunami (en 1693), détruisent des dizaines de villages de la côte est, ainsi que de l’intérieur des terres du sud-est. Cette tragédie engendrera une période de reconstruction durant laquelle on fera appel à de grands architectes pour rebâtir la région dans ce qui constitue aujourd’hui l’apogée du baroque sicilien, et dont plusieurs sites appartiennent désormais au patrimoine mondial de l’UNESCO.

L’Italie unifiée

Ce n’est qu’en 1860, avec l’expédition de Giuseppe Garibaldi, que débute l’histoire de la Sicile libre et de l’Italie unifiée; celle aussi d’une longue désillusion qui voit la Sicile exploitée (une fois de plus !), cette fois par le nord de l’Italie.

Dans la seconde moitié du XXe siècle, la Démocratie Chrétienne, un parti politique de centre droit, est grandement aidé par la mafia lors des élections. En retour, la mafia est récompensée par de lucratifs contrats publics. Cette interférence de la mafia dans l’économie sicilienne nuit aux efforts de Rome de réduire le fossé entre le nord prospère et le sud pauvre. Depuis l’assassinat des juges Falcone et Borsalino en 1992, l’attitude des Siciliens vis-à-vis de la mafia a changé. Leur sacrifice a grandement contribué à modifier l’opinion sur le crime organisé et permis aux Siciliens de parler et d’agir contre la mafia.

Au cours des 30 dernières années, la Sicile s’est progressivement reprise en main, notamment en modernisant ses infrastructures et en restaurant ses richesses architecturales afin de stimuler le tourisme. Le peuple sicilien fait également preuve de maturité et n’hésite pas à solliciter l’aide des meilleurs talents, peu importe leur provenance (étrangère ou pas) pour revigorer son agriculture, un secteur qui a depuis toujours été florissant, étant donné la fertilité de ses terres … qui ont d’ailleurs motivé tant d’avides conquêtes !