Coppola e puppi

« À la suite du double meurtre de Sollozzo et McCluskey pendant une réunion prévue pour mettre fin au conflit des familles de New York, Michael Corleone est envoyé en Sicile sous la protection de Don Tommasino, un ancien ami et partenaire d’affaires du père de Michael, Vito Corleone.

Arrivé en Sicile coiffé de sa Coppola Storta (casquette de travers), Michael se rend à Corleone pour voir le village de naissance de son père, nous faisant découvrir au passage des magnifiques paysages de collines siciliennes. C’est également à Corleone que Michael fera la rencontre de sa future épouse Apollonia. »      Le Parrain, réalisé par Francis Ford Coppola en 1972.

La Coppola Storta a toute une histoire. L’origine de cette casquette pourrait se trouver en Angleterre et elle serait importée en Sicile par les Anglais. Dès 1783, un dictionnaire palermitain parle de la Coppola et fait un rapprochement avec le béret. Un chroniqueur sicilien du 19e siècle évoque le béret marron porté par les paysans et celui de couleur bleu clair des marins.

Disons simplement qu’à un moment donné la Coppola était portée en Sicile par les propriétaires des terres, des gens aisés, mais ensuite certains commençaient à la porter de travers et cela voulait dire qu’on faisait partie de la mafia. Certains historiens rapportent même qu’on pouvait la porter de différentes manières, penchée ou non, la visière basse ou haute, cachant ou non les yeux, et chaque détail révélait une place dans la hiérarchie, une attitude, ou une intention.

En 192, après l’assassinat, par la Cosa Nostra, des juges Falcone et Borsellino engagés dans la lutte antimafia, la population de la Sicile s’est révoltée contre la mafia. En 1994, Guido Agnello a voulu réhabiliter la Coppola Storta comme symbole d’une nouvelle Sicile qui pouvait être fière de sa culture et de son histoire, et il a créé un atelier de fabrication de ces casquettes en leur donnant un nouveau look avec des multiples motifs et tissus. Il voulait également sensibiliser les Siciliens d’acheter dans des boutiques qui refusent de se plier à l’impôt mafieux, prenant ainsi part au mouvement addiopizzo.

De nos jours, la Coppola est un produit touristique en soi, alors que de nombreux artisans chapeliers rivalisent d’originalité pour nous la faire découvrir en de multiples couleurs et tissus, du style les plus traditionnels aux élans contemporains inspirés de la mode italienne voire même hollywoodienne. La Coppola profite de la vague vintage et éclipse son grand rival italien : le Borsalino. La Coppola Storta est également, dans certains cas, un produit de luxe prisé par les stars du monde entier, notamment Brad Pitt, Rihanna, Johnny Depp et Jason Statham.

La singulière histoire de la Coppola, chargée d’anecdotes et de significations, lui a conféré un attrait commercial peu banal … et pourtant, à la base, il ne s’agissait que d’une simple casquette.

Une autre tranche de la riche histoire sicilienne sert de toile de fond pour présenter dans cet article, un deuxième objet typique de l’artisanat sicilien.

Le théâtre de marionnettes sicilien (Opera dei Pupi), créé au début du XIXe siècle dans de petits théâtres familiaux, était un événement très attendu pour les classes défavorisées. Il attirait le peuple qui venait apprécier un spectacle à l’origine inspiré des batailles épiques de la Chanson de Roland, héritage de l’occupation normande. Dans cet esprit chevaleresque, chaque épisode devait comporter au moins une bataille.

Les représentations théâtrales pouvaient s’échelonner sur plusieurs jours, voire plusieurs mois, fournissant autant d’occasions pour le peuple de socialiser. Pour aider le public à mieux se souvenir de l’histoire de la pièce, le marionnettiste (et tout à la fois producteur, metteur en scène, costumier, décorateur et acteur) préparait des panneaux illustrant les moments clés des épisodes passés et à venir en les exposant à l’entrée du théâtre.

Durant la pièce, le public s’identifiait aux personnages. Par surcroit, les thèmes abordés étaient chéris par les siciliens : la foi religieuse, l’ardeur héroïque, l’amour de la patrie et surtout, la lutte du bien contre le mal pour illustrer le triomphe.  Pour bruiter les combats, le marionnettiste frappait de la semelle le plancher du théâtre. Ces scènes étaient habituellement soutenues par des roulements de tambour, surtout celles où les chevaliers découpaient les méchants en rondelles. Et que dire du public qui participait à l’action en encourageant les bons et en huant les méchants. Les personnages provoquaient parfois des réactions virulentes chez les spectateurs. Il est même arrivé qu’un spectateur sorte son pistolet pour éliminer une marionnette plus rapidement que ne le prévoyait le scénario !

Aujourd’hui, le théâtre de marionnettes sicilien est une institution. En 2001, il a été déclaré chef-d’œuvre du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO.

Il vous est possible d’acheter des marionnettes fabriquées par des artisans, principalement à Palerme et à Catane. L’originalité des masques, la netteté des casques, boucliers et épées, ainsi que les couleurs flamboyantes des vêtements sont frappants et esthétiquement séduisants. De quoi rendre jaloux tout collectionneur d’objets typiquement siciliens, ou de faire l’envie de tout amateur d’objets décoratifs, qu’il soit ou non connaisseur de la culture sicilienne.

|| Vous souhaitez en savoir plus sur la vie sicilienne ? Lisez notre article L’Essentiel : Guide sur la Sicile !