Le récit d’une huile d’olive sicilienne

Un mode de vie centré sur la nature et la famille

(Article publié le 23 décembre 2020 et mis à jour le 4 janvier 2024)

La cuisine italienne est une affaire d’instinct autant que de goût. Bien entendu, l’ingrédient le plus important de la cuisine italienne est l’huile d’olive. À ce chapitre, l’huile d’olive sicilienne fait partie d’une catégorie d’huiles italiennes « élite » au même titre que les huiles produites dans le sud de l’Italie, notamment dans la région des Pouilles et de la Campanie.

Pourtant, l’Italie et plus particulièrement la Sicile, ne détiennent pas le monopole des oliviers. L’Espagne produit de l’huile d’olive, la Grèce aussi ! Est-ce que l’huile d’olive de la Sicile a quelque chose de spécial qui la distingue des huiles produites en Grèce et en Espagne ? Certainement.

En Espagne par exemple, la production nationale se fait à partir de 3 variétés seulement, alors que la Sicile produit ses huiles à partir de 25 variétés d’olives.

La comparaison se poursuit et les différences sont notables. En Espagne, le commerce de l’huile d’olive est basé sur de grandes marques avec de grands volumes de production. Les petits producteurs de jadis ont disparu, alors qu’en Sicile le commerce est demeuré basé sur des producteurs individuels, essentiellement des familles. Ceci permet à chaque producteur sicilien d’accorder une plus grande attention à son lopin de terre et de s’assurer que le temps de cueillette, le transport, la mise en bouteille et la transformation sont exécutés dans les meilleurs conditions possibles – tous des gages d’une qualité et authenticité du produit final.

Les olives siciliennes sont également cultivées à partir d’oliviers ayant plus de 50 ans, alors qu’en Espagne on préconise une production plus intensive grâce à des oliviers plus jeunes.

La Grèce, quant à elle, suit un modèle de culture et de production similaire à la Sicile, avec des petits producteurs, bien souvent plus petits qu’en Sicile avec environ 500 litres de production par an, mais ne dispose pas d’autant de variétés d’olives différentes sur son territoire. La qualité de ses huiles est toutefois remarquable.

Une autre particularité de l’huile d’olive sicilienne est que chaque producteur a très souvent sa propre spécialité, en fonction de son territoire, de son microclimat et des arbres rares qu’il possède.

Ceci nous amène à vous raconter l’histoire qui suit.

La préservation du patrimoine à la façon sicilienne

En Sicile, il y a 60 à 80 ans, l’agriculture était bien plus qu’un simple commerce. C’était une grande partie de la culture du peuple. La terre n’était pas seulement quelque chose que l’on achète et que l’on vend, mais plutôt quelque chose que l’on traite comme son fils. Les gens étaient attirés par la terre et vouaient une affection réelle envers celle-ci.

C’est pourquoi ils n’avaient pas qu’un seul type de plantation, ils en avaient plusieurs pour de nombreuses raisons. D’abord parce que la terre était tout, la terre était la source de tout ce dont on avait besoin, et cela même si la Sicile était assez pauvre après l’unification de toute l’Italie. Dans cette philosophie, on ne jetait rien parce que tout vous apportait quelque chose d’utile.

Le grand-père de Giovanni était un propriétaire terrien moyen, pas le plus riche noble de la région mais pas un travailleur pour un autre propriétaire. Il possédait une quantité appréciable de terres, qui ont été transférées en héritage au père de Giovanni, à ses frères et aux cousins. Depuis des générations, chaque membre de la famille a toujours investi dans l’aménagement des descendants au lieu d’acheter une piscine ou une voiture coûteuse.

Aujourd’hui Giovanni exploite une oliveraie, une plantation de vin et une orangeraie à Sciacca. Ses frères et cousins ont également bénéficié des choix judicieux des générations précédentes. La famille élargie d’aujourd’hui est également composée d’agronomes et de viticulteurs. Et l’un d’entre eux travaille à l’agence de réglementation agronome. Pratique 😉

Pour tous ces siciliens qui préservent leur patrimoine agraire au fil des générations, il y a tout un mode de vie et de consommation qui vient renforcer le lien entre la nature, l’homme et la famille.

Dans la famille de Giovanni, par exemple, ils n’achètent presque rien au supermarché. Selon la saison, ils produisent de la laitue, des artichauts, des tomates, des amandes, des aubergines, des noix, des olives, des courgettes, du basilic, du persil, du céleri, de la roquette, des raisins de table, des graines de fenouil. Leur mentalité est de ne pas acheter les produits des grandes multinationales au supermarché.

Cette façon d’être est un bel exemple de la résilience qui caractérise le peuple sicilien depuis des siècles. Qui plus est, l’agriculture sicilienne d’aujourd’hui produit des denrées de toute première qualité souvent récompensées par les certifications DOP, IGP et Slow Food.

L’huile est un bien précieux

« Je suis l’olivier, emblème de cette terre ancienne, je vous ai toujours fait cadeau de mes chers petits enfants, les olives, que vous transformez en un bien précieux : l’huile ! »

– proverbe sicilien

Située à Sciacca, dans le sud-ouest de la Sicile, la famille de Giovanni et de sa conjointe Giovanna produit des huiles reconnues par le mouvement Slow Food sous la marque de commerce Priziusu (en sicilien, priziusu indique quelque chose qui est très important et précieux).

Pour Giovanni et Giovanna, la production est en parfaite adéquation avec les valeurs transmises par les générations précédentes, dans le plus grand respect de la terre certes mais plus important encore, dans une culture de l’excellence des matières premières locales au service de l’art culinaire.

Les huiles d’olive de la famille sont produites à partir des 3 plus importantes variétés d’olives de la région. On parle ici des olives Nocellara del Belice, Biancolilla et Cerasuola.

Si vous demandez à Giovanni et Giovanna comment choisir une excellente huile d’olive extra vierge, ils vous répondront que c’est en vous appuyant simplement sur vos sens, en y goûtant. À défaut de vous permettre d’y goûter ici même, voici une brève description des 3 huiles Priziusu :

Cela donne envoie d’y goûter n’est-ce pas !

Vous avez peut-être même envie de vous rendre en Sicile pour visiter l’une des nombreuses oliveraies que l’on retrouve partout dans l’île.

(Article mis à jour le 4 janvier 2024)

Visite et rencontre des producteurs des huiles Priziusu

Lors de notre plus récent voyage en Sicile en juin 2023, nous sommes allés rencontrer Giovanni et Giovanna pour la toute première fois de notre vie. Cette journée qui était prévue à nos agendas respectifs depuis quelques semaines s’est développée allègrement en 3 actes – (1) La visite de la plantation, (2) la dégustation des huiles, et (3) un repas familial pour conclure la dernière scène de l’oeuvre – tel un opéra finement planifié par nos hôtes !

(1) La plantation est principalement constituée de 1000 oliviers pour la production d’huiles, de plus de 300 orangers pour la vente d’oranges, de divers espèces d’arbres fruitiers pour la consommation familiale privée et bien sur de nombreux autres légumes eux aussi cultivés pour les besoins de la famille.

Les photos qui précèdent et qui suivent donnent un bref aperçu de la plantation que nous avons visité. À noter que l’olivier derrière la photo de Giovanni et Giovanna est l’emblême de la plantation puisqu’il a plus de 500 ans ! Ils l’ont d’ailleurs baptisé Priziusu (précieux).

(2) La dégustation est une expérience authentique puisque c’est Giovanni qui nous présente les trois principales huiles produites par la famillle, étalant toute ses connaissances avec un brin d’humour muni d’une voix ferme. Bien entendu, tout se déroule en italien mais notre expert parle lentement. Sa conjointe Giovanna intervient quelques fois lorsqu’elle sent que nous n’avons pas saisi certaines nuances, avec une spontanéité énergique mais remplie de délicatesse – un trait de son adorable personnalité que nous n’oublierons pas – ce qui fait que globalement nous arrivons à saisir l’essentiel des messages de Giovanni et Giovanna.

Le plus facile pour aider notre compréhension des concepts se déroule avec nos papilles gustatives. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard que leurs huiles remportent des prix à chaque année.

Notre ami Salvatore, que nous avons rencontré pour la première fois en 2019 et qui est le cousin de Giovanni assiste également à la dégustation. Salvatore est sicilien, il parle aussi l’anglais, mais il n’intervient pas dans l’exposé de Giovanni, histoire de nous laisser apprivoiser autant la langue que les huiles, afin de rehausser l’authenticité de l’expérience.

(3) Le repas fut une surprise de taille. Certes, il est de coutume en Sicile de servir aux touristes quelques bouchées lors d’une dégustation d’huile ou de vin.
Toutefois, nos hôtes nous ont accueilli comme des membres de leur famille en nous invitant à leur table.

Confortablement installés à quelques pas des oliviers, nous avons savouré pendant presque 3 heures en plein lundi après-midi, les nombreux plats d’antipasti et de pasta tous issus des recettes de la famille et concoctés avec amour par Giovanna, suivis de quelques grillades préparées sur le barbecue par Giovanni. Paulo, un toscan et ami de la famille en visite ce jour-là, s’est joint au repas avec sa femme et nous a partagé un saucisson au fenouil et des saucisses de sanglier qui ont également été grillés sur le barbecue de Giovanni puis rajoutés à la « festa » gourmande.

Durant ces 3 heures, nous n’avons parlé que de gastronomie. Pas d’autre sujet à table. Le repas a finalement été couronné avec le réputé dessert sicilien, la cassata, suivi d’une fiole de limoncello « fatto in casa » servie en guise de digestif.

Ah, et bien entendu nous n’avons pas manqué de vin, et que du bon, puisque notre ami Salvatore est sommelier et commerçant en vins siciliens.

L’hospitalité sicilienne est authentique, et deux mots résument plutôt bien l’état d’esprit de ce peuple attachant : sociable et sensible. (Lisez l’article Siculamente : l’esprit sicilien pour en savoir plus.)

**********
Nous avons choisi de vous raconter « une » histoire de l’huile d’olive sicilienne à travers l’histoire de Giovanni et Giovanna. Nous espérons que ce récit vous a plu.
Et … bien que ce blogue n’ait pas une vocation commerciale, il nous fera plaisir de vous accommoder si vous souhaitez commander les huiles Priziusu . Vous pouvez également loger sur le site de la plantation. Visitez leur site web Le Antiche Macine | Azienda Agricola Olivicola in Sicilia pour en savoir plus.