Siculamente : l’esprit sicilien

Les scènes de la vie quotidienne nous aident à comprendre la mentalité d’un peuple. Celui dont on parle ici est attachant, fier, et témoigne à son île un amour sans bornes.

Notre ami et collaborateur, Salvatore , apprécie chaque moment de son jour de congé, profitant du soleil et de sa collation goûteuse, pêchant pour le plaisir de préparer tranquillement le repas du dimanche.

Pour bien saisir l’esprit sicilien, il convient toutefois de porter attention à quelques manifestations survenues au cours des 2 derniers millénaires.

Se moquer du destin

Tout au long de son histoire, la Sicile a fait les frais d’une tutelle étrangère qui a engendré de la méfiance à l’égard de l’autorité, et, l’apparition d’une forme de communication pour le moins surprenante par son efficacité.

À Syracusa, à l’époque de la colonisation grecque, Denys le tyran avait organisé une police impitoyable. Pour déjouer les autorités et leurs espions, les habitants ne communiquaient plus entre eux que par des signes et des gestes.

Encore de nos jours, un simple froncement des sourcils au café du village, un doigt contre la joue au restaurant, servent de langage et ce, à travers toute l’Italie !

Les nombreuses dominations étrangères qui suivirent n’ont fait que nourrir ce besoin de communiquer par les signes.

Une autre manifestation notoire de l’esprit sicilien, fut son imagination créatrice et son goût de la fête. Poussé par les calamités naturelles et la succession des invasions étrangères (sur plus de 2000 ans, rappelons-le), il devenait vital pour ce peuple de trouver sans cesse des moyens de s’étourdir.

Toutefois, ce n’est pas tant de vin mais de formes, de couleurs et de saveurs que l’esprit sicilien s’est enivré. En riposte au malheur chronique, le goût des excès décoratifs et sensoriels s’est développé.

Les charrettes bariolées et les marionnettes gesticulant dans des costumes rutilants en sont d’excellents exemples.

Les objets richement décorés sont présents un peu partout en Sicile, notamment dans l’artisanat local telle que la céramique, ou dans les emballages de pâtisseries telle que la panettone.

Si vous avez la chance d’aller en Sicile, prenez le temps de visiter au moins une fois les marchés publics, afin de vivre l’excitation des cris, l’ivresse des couleurs, le vertige des odeurs … une sorte de feu d’artifice des émotions.

À table

Au delà du goût prononcé pour la décoration et les démonstrations sensorielles, l’esprit sicilien se manifeste à travers la nourriture. Celle-ci occupe une place de choix puisque la cuisine est au cœur de la vie quotidienne sicilienne. Toutes les journées se déroulent au rythme des repas, sont axées sur les repas … manger, manger et encore manger ! À table, dès le déjeuner, toute la tablée discute du menu du lendemain. De ce que l’on va cuisiner, de qui le fera et à quel endroit. Aux environs de midi, la famille se réunit chez la « mama ». Sous ses instructions, chacun s’affaire en cuisine pour concocter les délices siciliens.

Et … quoi de mieux que la fête de Noël pour illustrer ceci !

Salvatore nous partage ces quelques scènes filmées dans sa famille, une sorte de pèlerinage qui s’échelonne sur 3 jours dans 3 maisonnées différentes, pour 3 tables et menus différents !

Communion entre nature, nourriture et famille

L’art de vivre « à la sicilienne » consiste aussi à profiter autant que possible des splendeurs de la nature. Par exemple, les Siciliens passent volontiers toute la journée à la plage, et cela jusqu’à la tombée du jour. Afin de ne rien manquer, ils emportent avec eux tout un attirail qui leur permet d’aménager en un clin d’œil, une vraie salle à manger avec tout son confort.

En début de soirée, lorsque le ciel se teinte de rose bleuté, on sort des paniers le pique-nique sur la nappe rose. La mer est calme, les gens se délassent et tout est paisible.

Pour le menu, de délicieux plats froids tels que le gratin d’aubergines, la caponata, les saucissons et les fromages, la salade sicilienne (oranges, oignons, olives et câpres), et bien entendu du pain et des fruits frais.

Et comme c’est souvent le cas pour les activités pratiquées à l’extérieur (ou à l’intérieur), les Siciliens apprécient la proximité et le contact physique du plus grand nombre possible de leurs semblables. Il en va de même lorsqu’ils préparent les pizzas … en famille !

L’opéra de la vie

Pour vous aider à comprendre davantage la mentalité du peuple sicilien, vous pouvez explorer l’opéra sicilien !

L’œuvre du compositeur Vincenzo Bellini, par exemple, reste encore pour plusieurs, un portrait fidèle de la Sicile des 150 années qui ont suivi son annexion à l’Italie en 1860 … donc jusqu’aux environs de 2010.

La figure centrale de son œuvre – une femme accablée par le spectacle de sa propre misère, trahie et dépossédée d’elle-même – constitue une métaphore de la Sicile.

Pour Bellini, « pas d’autre salut pour la femme-Sicile opprimée, que l’effusion lyrique ». Autrement dit, Faire contre mauvaise fortune, bel canto. Cette philosophie explique d’ailleurs en partie la popularité de l’opéra sur l’île, autant qu’elle s’inscrit dans l’accent des Siciliens, portés vers l’imaginaire, l’art et la décoration.

Fort heureusement, au cours des 10 dernières années, le progrès se manifeste partout en Sicile : dans le respect d’autrui, dans la propreté et la sécurité des villages, dans l’amélioration des routes et des équipements touristiques, dans la mise en valeur du patrimoine, dans la sensibilité aux problèmes internationaux, mais avant tout dans la volonté de ne plus céder au fatalisme des ancêtres.

Les temps où les écrivains et poètes siciliens décrivaient l’accablement des populations et dénonçaient l’impossibilité de faire la lumière sur les abus de pouvoir, les extorsions et les crimes, sont à peu près révolus.

Les femmes, longtemps tenues à l’écart des responsabilités publiques, se sont rebellées (notamment et avec succès, contre la mafia), et ce sont elles qui ont fait bouger la société en lui donnant un nouveau visage pluraliste, ouvert et résolument plus moderne. Se débarrasser des maux qui ont freiné si longtemps la Sicile, est devenu un mot d’ordre implicite. Beaucoup reste à faire, sans doute, mais le mouvement est en marche.

D’ailleurs, 3 mots résument plutôt bien l’état d’esprit du peuple sicilien d’aujourd’hui : confiant, sociable et sensible.

Difficile de ne pas les aimer 🥰

*Ouvrage consulté pour la rédaction de Siculamente : l’esprit sicilien : « Le radeau de la Gorgone : Promenades en Sicile » de Dominique Fernandez.

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