Naissance d’une colonie en trois actes
1er Acte : L’oasis rêvée
D’un naufrage provoqué par la colère de Neptune, un seul marin en réchappe et trouve refuge non loin de Taormina. Frappé par la beauté du lieu, il retourne en Grèce pour convaincre ses concitoyens d’y fonder une colonie.
Ainsi aurait débuté, au VIIIe siècle av. J.-C., la grande aventure grecque en Sicile. Officiellement, la colonisation débute quand la situation en Grèce devient intenable : famine, guerres civiles, mais surtout pénurie de terres agricoles.
Ils sont une centaine d’hommes par expédition à débarquer sur les côtes de la Sicile, motivés (pour ne pas dire affamés !) et prêts à conquérir le territoire, le défricher et le bâtir. Ils apportent avec eux leur culture, leurs techniques et leur science, mais ils doivent aussi s’adapter au nouveau territoire.
2e Acte : Le génie des bâtisseurs
À peine débarqué sur l’île, le chef d’expédition a déjà tout prévu : il place le territoire convoité sous la protection de la divinité qu’il vénérait en Grèce, en lui réservant un terrain sacré, délimité par des bornes. L’étape suivante consiste à sécuriser le territoire de la future cité, en l’entourant d’un rempart. Il procède également au partage des terres sur une base égalitaire en attribuant des lots de même surface aux colons. Enfin, il divise la colonie en deux groupes : l’un sera chargé de cultiver la terre, l’autre de surveiller les côtes pour repousser les incursions des pirates.
Tout est en place pour bâtir la cité. Le plan d’urbanisme tient compte à la fois de l’orientation, du relief et de la proximité d’une source. Les grecs construisent tout d’abord deux bâtiments indispensables à la bonne marche de leur cité : une salle pour le conseil municipal qui prépare les lois, et une salle destinée à l’assemblée de tous les citoyens libres.
Autour de la place destinée au marché et aux réunions, sont tracées de larges avenues et des rues perpendiculaires plus étroites. Ces dernières desservent des habitations dotées d’une cour ou d’un jardin, alignées en îlots de mêmes dimensions. Autre élément fort intéressant, les voies, pavées de dalles et de briques en terre cuite, sont conçues de manière à collecter les eaux de pluie.
L’apport de la science est majeur dans le développement de la colonie grecque en Sicile. Archimède, célèbre mathématicien reconnu pour l’ensemble de son œuvre par la communauté scientifique – encore aujourd’hui, est un « produit grec » purement sicilien !
Mais il y a plus. Les Grecs de l’Antiquité demeurent un peuple d’une grande culture. Ils ne lésineront pas sur les efforts dans des projets de construction pour soutenir et développer leur culture afin d’attirer l’élite intellectuelle de l’époque, notamment Platon.
À mesure que la colonie prospère, ses lieux de culte se multiplient. On érige des chantiers colossaux pour construire des temples aux dimensions hors du commun, peints de couleurs vives et dotés de nombreuses gargouilles à tête de lion.
On aménage aussi des lieux pour les spectacles. Les premiers théâtres sont de modestes gradins provisoires en bois. À partir du Ve siècle av. J.-C., ils sont solidement construits de pierre et érigés à flanc de colline ou sur des promontoires naturels, dans des sites grandioses tels que Taormina.
3e Acte : Fertilité, prospérité et conflits
La première expansion des Grecs en Sicile se fait de manière dispersée, dans des endroits très éloignés les uns des autres sur l’île. L’approche maritime facile, cruciale pour la construction d’un port et l’établissement du commerce, constitue toutefois un dénominateur commun pour l’établissement d’une colonie.
Les premiers avant-postes érigés sont à Naxos, Syracusa et Gela.
Ces emplacements stratégiques pour le commerce prennent tout leur sens avec l’instauration d’une autre facette des talents grecs de l’époque. Les cités se développent rapidement par une agriculture florissante. La Sicile étant déjà eune terre très fertile, l’arrivée de nouveaux habitants qui excellent dans l’amélioration du rendement de la terre provoque une éclosion de fertilité sans précédent pour l’époque. En greffant des plantes sauvages, en acclimatant le blé, en plantant des amandiers et des oliviers, et en sélectionnant les têtes de bétail pour la reproduction, ils établissent les fondations d’un peuple qui perdurera pour des millénaires.
Rendues prospères grâce au commerce et aux terres fertiles, les cités grecques se développent et la Sicile prend soudainement une importance économique, commerciale et stratégique de premier plan. Elle est capable de fournir du blé à l’ensemble du bassin méditerranéen qui en manque cruellement.
Il est important de souligner qu’à cette époque, chaque colonie grecque est totalement indépendante vis-à-vis de la mère patrie (la Grèce), mais aussi de ses colonies voisines sur l’île de Sicile. Pour les Grecs, une colonie est un État souverain qui conserve des rapports fréquents et cordiaux avec sa métropole fondatrice. Toutefois, cette souveraineté des colonies entraine régulièrement des conflits de territoire ou de puissance entre cités grecques.
Cette Sicile si prospère devint rapidement un vrai champ de bataille, les villes moyennes passant sous la domination des plus puissantes.
De cette période turbulente la grande gagnante sera Syracuse : elle devient incontournable en Méditerranée, surtout sous le tyran Denis l’Ancien, alors considéré comme l’homme le plus puissant du monde.
Même les Athéniens tenteront à maintes reprises de prendre Syracuse, mais sans succès. Seuls les Romains y parviendront en 212 av. J.-C., mettant fin à la domination grecque en Sicile
La Sicile d’aujourd’hui doit beaucoup aux Grecs. Ils ont été les premiers à y établir une colonie. Et quel travail colossal ils ont fait. L’héritage grec en Sicile ne se mesure pas qu’aux temples majestueux que des milliers de touristes visitent à chaque année. La culture, la gastronomie et aussi la langue sont fortement imprégnés du génome grec.
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